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romans ; ce sont des mémoires. Les rares évènememts qu’on y trouve ne sont pas inventés : c’est sa propre vie que l’auteur nous raconte avec une simplicité où il y a un peu de candeur et beaucoup d’orgueil. N’ayant aucune imagination, il en est réduit à lui-même ; mais comme la vie d’un homme sans imagination est généralement fort monotone, en racontant ce qui lui est advenu, il se trouve qu’il ne raconte presque rien. Pour combler les vides, M. Huysmans a recours tantôt à des études de mœurs, tantôt à des dissertations historiques ou archéologiques. Rien n’est moins romanesque que ses romans ; rien ne serait plus ennuyeux si l’auteur n’avait une personnalité très nette et une manière de voir vraiment très particulière. Mais l’absence même d’éléments imaginatifs inspire une confiance que ne donnent pas les romans ordinaires. On se sent bien réellement devant un homme qui ne ment pas, ou très peu, et cela, non par moralité, mais par impuissance d’imaginer. S’il décrit un vieux quartier de Paris ou une vieille abbaye de province, on peut tenir son tableau pour véridique et s’en servir comme d’un guide, comme d’un plan. Et c’est pour cela que ceux-là mêmes qui sont incapables de lire, sans ennui, un roman trop bien imaginé, peuvent pren-