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dans un style sans éclat et sans personnalité. Sur ce point M Huysmans a été intraitable ; il est resté écrivain, et, ce qui est bien plus grave, écrivain naturaliste. Le naturalisme, c’est l’amour des détails, non pour eux-mêmes, mais pour ce qu’ils donnent à une œuvre littéraire de vie et d’exactitude. De tous les romanciers qui ont voulu être appelés naturalistes, celui qui mérita le mieux cette qualification est assurément M. Huysmans. Peut-être même est-il le seul, car M.Zola se laissait volontiers entraîner par son imagination ; or, pour être un véritable naturaliste, un véritable « descripteur » de ce qui se voit, se touche et se sent, il faut n’avoir aucune imagination. Deux contemporains de M. Huysmans, M. Hennique et M. Céard, ont écrit, eux aussi, des romans où on n’aperçoit pas la plus petite lueur imaginative ; mais il semble qu’ils ont dépassé la mesure. Une belle journée, de M. Céard, livre très curieux et peu connu, représente à merveille l’idéal littéraire qui fut celui de toute une génération, il y a vingt-cinq ans. Idéal, en effet, car nul écrivain n’a peut-êtrejamais atteint ce degré de nullité systématique ; M. Huysmans en est resté très loin. Il se passe toujours quelque chose dans ses livres ; il se passe lui-même. Ce ne sont pas des