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être un grand homme et un saint pour soi-même. » (Mon cœur mis à nu.)

Avec tant de ressemblances que de différences entre l’auteur d’Ulalume et celui qui écrivait à propos des Fleurs du Mal :

« Faut-il donc vous dire, à vous, qui ne l’avez pas deviné plus que les autres, que, dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion (travestie), toute ma haine ? Il est vrai que j’écrirai le contraire, que je jurerai que c’est un livre d’art pur, de singerie, de jonglerie, et je mentirai comme un arracheur de dents. » Il dit en une Préface inutilisée des Fleurs du Mal : « Ce n’est pas pour mes femmes, mes filles ou mes sœurs que ce livre a été écrit ; non plus que pour les femmes, les filles ou les sœurs de mon voisin. Je laisse cette fonction à ceux qui ont intérêt à confondre les bonnes actions avec le beau langage. » Edgar Poe n’aurait pas confondu « les bonnes actions avec le beau langage », mais il eût dit cela autrement,

27.

Baudelaire améliora à la fois et troubla, par son goût oratoire, la prose un peu sèche d’Edgar Poe.