Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sépare les faits en vrais et en faux. Dieu est tout puissant ; il peut donc, si cela lui plaît, enlever Lydwine de son lit de douleurs et l’emmener au paradis faire une céleste promenade. Les protestants, partisans d’une religion raisonnable, nous diront bien que personne ne fut enlevé vivant au ciel depuis saint Paul. Mais vraiment, qu’en savent-ils ? Quand on croit aux visions de Paul, on peut bien croire à celles de Lydwine. La religion est le royaume du tout ou rien. Et plus une religion est compliquée, plus elle est riche en dogmes, en usages, en superstitions, plus elle est belle et digne de l’attention des historiens et des psychologues. Visions du ciel, visions de l’enfer, nous connaissons cela. Homère et Virgile nous y ont conduits à leur suite. Ce n’est pas du christianisme, c’est du paganisme ; c’est conforme aux plus anciennes traditions de notre race et de sa poésie.

D’Homère aux visionnaires du moyen âge, tels que résumés et magnifiés par Dante, les tableaux de l’enfer ont fort peu changé. Dans les rêveries de Lydwine, le paradis, spiritualisé par l’Alighieri, reprend son antique aspect homérique. C’est, dit Huysmans, « une salle de festin aux voûtes magnifiques ; les viandes y étaient servies sur des nappes