Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui stupéfie. Comme conte « inquisitorial », la Torture par l’espérance, de Villiers de l’Isle-Adam, est bien autrement émouvant et grandiose. Se le présente-t-on Edgar Poe lisant cette histoire et forcé de reconnaître la supériorité de l’invention idéiste sur l’invention mécaniste ? Je n’ai pas entendu Viliiers parler de Poe ; il citait volontiers Swift, qui a eu également une grande influence sur son génie.

13.

Rue Morgue : Poe abuse aussi de l’invention analytique, de ces constructions en forme de labyrinthe, où il se promène avec insolence, un fil invisible à la main. En de telles histoires, la puissance déductive de l’auteur est d’apparence ; telle invention policière, la carafe de M. Macé, est bien supérieure aux froides combinaisons d’un Dupin. Et pourtant l’effet produit est intense : même quand on a pénétré le secret de pareilles imaginations, si on relit le conte, on est dupe encore une fois. C’est que, dans une histoire comme la Lettre volée, le principe est une belle observation psychologigue : La vérité n’est pas toujours dans un puits. Il y a des secrets qui courent le monde et que personne