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par une étude donnée à la Revue des Deux Mondes. Il y eut procès, ou du moins querelle, entre les deux journaux, et le nom de Poe fut écrit pour la première fois en France. Poe eut une assez vague connaissance de cette histoire (il croit avoir été démarqué par le Charivari (Marginalia) ; comme il ne pouvait songer, vu l’état de la législation littéraire, à retirer aucun profit de la traduction de ses œuvres, il dut se borner à goûter les joies pures de la renommée. On dit qu’en apprenant qu’on avait donné ce conte en français sans y mettre son nom il avait eu un moment d’indignation. Ce fut cependant le commencement de sa gloire européenne : il y a presque toujours au début des grandes renommées littéraires, même les mieux justifiées, un scandale, un procès, un bruit extérieur à l’œuvre. C’est pourquoi on peut retenir avec indulgence et même avec reconnaissance le nom du premier traducteur ou arrangeur d’Edgar Poe. C’était une dame Isabelle Meunier, femme d’un publiciste scientifique nommé Amédée-Victor Meunier, né en 1817. Madame Meunier devait donc être toute jeune lorsqu’elle eut l’heureuse idée de traduire le Double Assassinat. Elle continua à faire connaître à un public, d’ailleurs peu enthousiaste, les plus curieux