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eu le mal des ardents qui lui avait desséché un bras ; tout son corps n’était que plaies et l’intérieur, cœur, foie et poumons, était en fort mauvais état. À la suite de la peste, qui la couvrit de bubons, elle devint hydropique, elle cessa presque de manger, perdit à peu près la vue, et ne garda de sensibilité que pour souffrir, d’intelligence que pour suivre ses visions.

La manière dont elle fut traitée par les médecins n’est pas moins extraordinaire que l’accumulation de ses maladies. M. Hujsmans raconte très sérieusement ceci : « Gotfried, qui avait jadis pronostiqué l’origine divine de ces maux, ne pouvait que constater l’impuissance de son art à les guérir ; croyant cependant qu’il parviendrait peut-être à soulager la patiente, il lui retira du ventre les entrailles qu’il déposa dans un bassin ; il les tria et remit, après les avoir nettoyées, celles qui n’étaient pas hors d’usage, en place. » Rien ne rebute la foi de M. Huysmans. Il dépasse en simplicité les plus crédules hagiographes du moyen âge, — et peut-être a-t-il raison. Il est absurde, en effet, de vouloir poser des limites au surnaturel. Dès qu’on admet l’intervention de Dieu et de sa providence dans les affaires humaines, on se prive par cela même du critère