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librement qu’elle ne fut entravée par aucune douce autorité ; beaucoup d’enfants, trop surveillés, trop bien élevés, trop aimés et tenus de près, modèlent leur jeune intelligence sur celle de leurs parents, reçoivent ainsi des empreintes souvent si profondes qu’elles déterminent à jamais leur activité cérébrale et le plus souvent l’annulent. Que de parents médiocres ont ainsi déprimé leurs enfants !

5.

Nulle trace dans la vie de Poe de grandes amitiés d’homme à homme ; mais de profondes affections féminines, Mrs. Clemm, Frances Osgood. Il n’a d’ailleurs aucun préjugé contre les femmes ; dans ses critiques, il ne fait jamais de distinction préalable entre la littérature des hommes et celle des femmes. Il admirait sincèrement Frances Osgood. Aimant la société des femmes, leur conversation, leur esprit, il ne semble pas leur avoir jamais demandé davantage ; la chasteté de ses écrits était celle de sa vie, accord bien rare, car on sait qu’il n’y a qu’un rapport des plus inconstants entre les œuvres et les hommes. Lascivia est nobis pagina, écrit Ausone à Paulin, en lui envoyant un Centon Nuptial, vita proba, et il cite tous les