Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des plants arrachés de leur sol et qui, déracinés, transportés en un sol nouveau, ne reprennent pas, s’étiolent, meurent. Mais il est allé trop loin. Il a voulu nous faire admettre que tout plant déraciné et transplanté est un plant perdu, que les arbres — et les hommes — doivent, sous peine de déchéance, croître là où la nature les a semés. A ce moment-là, l’erreur commence. Il y a les déracinés, soit ; il y a aussi les transplantés.

Les transplantés sont ceux qui, hommes ou arbres, ont été arrachés de la forêt ou de la pépinière natale, repiqués en un autre terrain, et qui cependant sont devenus de beaux arbres ou de beaux hommes, d’honnêtes et utiles créatures. En un mot, il y a les transplantations malheureuses : déracinement ; et il y a aussi les transplantations heureuses : transplantation proprement dite. Il s’agit de savoir si les transplantations heureuses se rencontrent en plus grand nombre que les transplantations malheureuses, si la transplantation est, en principe, favorable ou défavorable à la bonne venue des arbres.

Nous ne parlerons que des arbres. Il s’agit de justifier une métaphore, et non de combattre ou d’affermir une opinion sociale.