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Malheureusement, il est difficile de distinguer, pendant l’enfance et même pendant la jeunesse des hommes, les faibles d’avec les forts. L’on se trouve, ici comme partout, devant une question insoluble. Toute mesure prise en faveur des faibles entrave les forts dans leur développement ; toute mesure prise en faveur des forts écrase les faibles. Les uns et les autres étant presque également utiles, les uns par leur nombre, les autres par leur intelligence, le cas est des plus embarrassants. M. André Gide n’a pu le résoudre ; il émet des doutes, ce qui, du moins, est sage :

« Instruction, dépaysement, déracinement, — il faudrait pouvoir en user selon les forces de chacun ; on y trouve danger sitôt que ce n’est plus profit ; et que les faibles y agonisent, c’est ce que montrent les Déracinés ; mais pour préserver du danger le faible, nous aveuglerons-nous sur le profit du fort ? »

Il faudrait peut-être laisser dormir les questions insolubles. Quand on les réveille, elles mordent et nous communiquent, par leurs morsures, le venin de l’inquiétude. Il reste, cependant, que M. André Gide a raison sur un point. De ce que les sept Lorrains du roman de M. Barrès ont eu tort de venir