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Ils viennent de partout, même de l’étranger. Et tel qui brille à Paris, ou qui y a réussi, aurait végété dans sa province natale, pareil, en effet, à ces vilains arbres qui n’ont jamais été transplantés et qui poussent de travers, la tête tortue, sur le bord d’un chemin.

Il y a quelques années, M. Havelock Ellis avait eu l’idée ingénieuse d’esquisser une géographie intellectuelle de la France. C’est un travail des plus difficiles, surtout pour les époques anciennes, faute de documents précis sur les familles. La carte de M. Ellis était cependant bien intéressante, car il avait écrit le nom des hommes illustres non pas toujours au lieu même de leur naissance, mais dans la région d’où leur famille était réellement originaire. Cette première constatation suffirait à elle seule à établir l’utilité de la transplantation humaine : presque tous les hommes de génie ou de grand talent, en effet, non seulement sont des transplantés, des individus qui, nés dans le Midi, par exemple, ont évolué dans le Nord, mais — remarque d’une importance extrême — ils appartiennent à des familles qui sont, elles-mêmes, des familles de transplantés. Descartes est né à La Haye, en Touraine, et cependant, nous dit M. Ellis, il n’est pas tourangeau,