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siècles, exaltée, embellie, troublée, déchirée, enlammée. Mais cette audace eût gagné, tout de même, à être servie par une meilleure critique. Au lieu d’un livre qui ne peut plaire qu’à demi et déplaire, qu’à moitié aux croyants et aux autres, nous aurions eu l’œuvre qui fait hurler les tièdes et qui réjouit les excessifs et les audacieux.

La crédulité est amusante dans le peuple, et utile ; elle a créé les légendes, les contes, les superstitions. Elle est curieuse et précieuse dans les biographies de jadis qui nous ont ainsi conservé toutes sortes de fables caractéristiques d’un état social et d’un état intellectuel. Elle peut plaire encore dans le poète ou dans le conteur qui se grise de possible et d’impossible, qui rêve ou délire et nous entraîne un instant dans son heureuse folie. La vie d’une sainte, pleine de miracles et de pieuses extravagances, pourrait nous être dite, même aujourd’hui, sur un ton naïf, sans nous faire rire ; mais il n’y faut plus le ton doctoral. Il n’y a plus de milieu entre le roman et la critique historique ; il n’est plus permis, même à un écrivain du talent de M. Huysmans, de mêler les deux genres et de nous présenter comme des faits avérés les pieuses imaginations de quelques mystagogues pour qui il