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ment tombe à genoux, baise pieusement la croix du calvaire. Non seulement il n’y a plus aucune hésitation ni aucune hérésie dans sa foi, mais il recherche au fond des parties obscures de la religion tout ce qu’il y a de plus extraordinaire, de plus extravagant, de plus fou, de plus impossible. Les mystères reconnus ne lui suffisent pas, ni les miracles admis. Il lui faut des absurdités particulières, des fantasmagories spéciales.

Mais cette attitude, au moins, est brave. M. Huysmans ne distingue que deux ordres de faits religieux : les ordinaires, qu’il dédaigne et laisse au troupeau ; les extraordinaires, dont il se délecte et qu’il tient pour essentiels. Loin de suivre la tendance des chrétiens lâches qui, peu à peu, réduisent leur christianisme à une morale de pauvres hères, sourient des miracles, méprisent le décor démoniaque ou mystique, édifient à l’ombre des autorisations rationalistes, une religion simple et prudente, calquée sur un règlement d’usine, loin de se mêler à ces humbles dévots, M. Huysmans revendique une sorte de catholicisme intégral où se retrouveraient toute la foi, tout l’art, toute l’inquiétude, toutes les contradictions, toutes les couleurs dont une longue croyance fut, à travers les