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Salut, champ consacré ! salut, champ funéraire,
Des tombeaux du village humble dépositaire…
(Le Temple.)

Et cela revient comme un glas, à propos de tout. Voici « l’épaisse nuit des tombeaux », voici « les fleurs dans les tombeaux », voici « le sentier des tombeaux ». Après le succès des Méditations de Lamartine, les poètes imitateurs ne parlèrent plus que cimetières, tombes et cyprès : il faut rendre à Hervey et à Young ce qui leur est dû, sans oublier le traducteur sans lequel ils nous seraient éternellement demeurés inconnus.

Mais la gloire de Pierre Letourneur n’est pas épuisée. On lui doit encore une œuvre, plus caractéristique peut-être que les précédentes, la traduction des poésies d’Ossian. Ossian est important dans la littérature française, puisqu’il fut le véritable maître de Chateaubriand. Bien que Chateaubriand connût parfaitement l’anglais, il est probable que c’est dans Letourneur qu’il lut et admira trop ces faux poèmes habilement remaniés — ou fabriqués de toutes pièces — par l’audacieux Macpherson. La phraséologie des Martyrs vient de là, directement ; c’est absolument visible. Ossian troubla Chateaubriand. C’est un grand honneur,