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quante ou soixante éditions en l’espace de quelques années, mais cette littérature de christianisme funèbre ne fut pas non plus sans influence. De qui donc, sinon d’Hervey, les romantiques tinrent-ils cette manie de s’aller promener dans les cimetières, en se laissant aller à de mélancoliques rêveries ? Lamartine, élevé en province dans un vieux château, y trouva certainement ces anciens livres à succès et il en fut troublé ; les tombeaux, dans ses premiers vers, reviennent avec une insistance qui n’est point naturelle chez un jeune homme sain. C’est de la mélancolie apprise, corrigée heureusement par un peu de tristesse réelle et sincère. Que l’on ouvre les Méditations en cherchant ces mots « les tombeaux », on les trouvera presque à chaque page :

De ce hêtre au feuillage sombre
J’entends frissonner les rameaux :
On dirait autour des tombeaux
Qu’on entend voltiger une ombre.
(Le Soir.)

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme au bord de mon tombeau.
(L’Automne.)

La mort m’a tout ravi, la mort doit tout me rendre,
J’entends le réveil des tombeaux !
(La Semaine Sainte.)