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traduction, dont le vingtième et dernier volume parut en 1782.

. Ce fut un événement. En tête de la liste des souscripteurs, on lisait les noms du roi (Louis XVI), de la reine, du comte d’Artois, du comte de Provence, de tous les personnages considérables dans l’État ou dans la république des lettres. Bien que Letourneur ne se fût pas astreint, il le dit lui-même, à une littéralité complète, sa traduction était fidèle, entière, respectueuse de toutes les intentions du grand poète. Shakespeare, du coup, était révélé, non seulement à la France, mais à l’Europe entière, et surtout à l’Allemagne, qui allait en faire son dieu littéraire et y trouver, comme la France un peu plus tard, la source de sa rénovation poétique.

Laplace n’est qu’un homme de lettres laborieux ; il traduit le théâtre anglais sans autre but que de gagner quelque argent. Letourneur sait ce qu’il fait, comme le prouve sa Préface, morceau curieux dont voici les principaux passages :

« Shakespeare plaît et plaira toujours, parce qu’il l’emporte sur tous les écrivains, comme peintre de la vérité et de la nature : il plaît par la magnificence, la fraîcheur, la fécondité de sa poésie, qui n’est pas art, mais, comme les prophéties des