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La plupart des romans français d’inspiration chrétienne se proposent le même but que l’œuvre capitale de Chateaubriand ; leurs tendances sont nettement apologétiques. Il y a très peu d’écrivains, même aujourd’hui, d’esprit assez libre pour traiter sans passion des questions religieuses. Si l’on parie du clergé, c’est pour le dénigrer ou en faire l’éloge ; il est presque impossible de décrire ses mœurs froidement, comme s’il s’agissait de n’importe quelle autre catégorie sociale. C’est surtout par l’intention apologétique que M. Huysmans suit la tradition de Chateaubriand, car sa méthode littéraire est fort différente. Il arrive aussi que, voulant exalter l’Église, il la déprécie. Cela n’est pas naïveté, mais bien sincérité. La foi de M. Huysmans a l’air d’être si solide qu’aucune des tares de ce qu’il aime ne saurait la décourager.

Il est sérieux excessivement, ce qui l’a mené tout droit à la crédulité. On ne peut imaginer une intelligence plus docile aux choses de la foi. C’est avec la candeur d’un petit enfant qu’il nous conte la vie prodigieuse de Sainte Lydwine. Voilà où mène le naturalisme. Voilà où mène cette idée singulière qu’il y a une Vérité et qu’on peut l’atteindre, la toucher, la baiser. M. Huysmans décidé-