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le premier artisan véritable de l’influence anglaise en France. Avant lui, elle ne s’était manifestée qu’à certaines occasions ; à partir de lui, elle devient constante, elle s’exerce régulièrement et se fait sentir aussi bien dans la philosophie que dans la littérature, aussi bien dans la politique que dans les sciences. C’est Voltaire, par exemple, qui détrôna définitivement Descartes, le remplaçant par Locke et par Newton. La philosophie sensualiste de Locke n’eut d’ailleurs, malheureusement, qu’une vogue éphémère, bientôt éclipsée à son tour par le sentimentalisme de Jean-Jacques Rousseau, ce poison qui donna à la France des convulsions dont elle est encore secouée. Mais la grande révélation de Voltaire, celle qui semble d’ailleurs l’avoir le plus enivré, c’est celle de Newton. Un Français, dit-il, qui passe de Paris à Londres trouve les choses bien changées : « Il a laissé le monde plein, il le trouve vide ; il a laissé une philosophie qui explique tout par l’impulsion, il en trouve une qui explique tout par l’attraction. » Ce sont des allusions aux théories cartésiennes que les idées de Newton allaient bientôt rejeter parmi les curiosités de l’histoire scientifique. L’Angleterre était alors toute à la science, à la philosophie, à l’incrédulité :