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exposer en cent volumes, avec plus d’âpreté, cependant, que les philosophes anglais, respectueux d’une bienséance dont il se moquait.

C’est en 1733, après un séjour de trois ans en Angleterre et trois ans de réflexion, qu’il publia ses Lettres sur les Anglais, connues aussi sous le nom de Lettres philosophiques. Le Parlement, gardien des traditions politiques et religieuses, jugea le livre tel que « propre à inspirer le libertinage le plus dangereux pour la religion et l’ordre de la société civile », le condamna au feu et fit mettre à la Bastille le libraire Jore, qui l’avait édité. Voltaire lui-même, protégé par la Cour, ne fut nullement inquiété.

Les Lettres philosophiques révélaient beaucoup de choses nouvelles, mais l’auteur, dans sa ferveur exploratrice, avait souvent pris pour du nouveau des notions fort répandues en France, dans le monde savant. Il crut découvrir et faire connaître Bacon et la méthode expérimentale. Or, Bacon était connu depuis cent ans et Pascal avait donné de la méthode expérimentale de saisissants exemples. Il crut découvrir Swift, mais nous avons vu que Gulliver avait été traduit, sitôt son apparition.

Ces réserves faites, il est certain que Voltaire fut