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prompt, même aujourd’hni, à faire passer un livre d’une langue dans une autre.

Ces relations vont bientôt devenir encore plus étroites. Cela arriva à la suite d’un événement pour lequel on ne prévoyait pas d’aussi sérieuses conséquences. En 1726, un jeune homme, déjà célèbre par des poésies très légères et d’autres très lourdes, fut exilé en Angleterre ; il en revint à moitié Anglais. Il s’agit de Voltaire. Dix ans plus tard, naissait à Valognes Pierre Letourneur. Ces deux faits eurent une influence immense sur l’orientation de la littérature et de la pensée françaises.

Voltaire était bien préparé à goûter l’Angleterre. Quelques années auparavant il s’était lié d’amitié avec un Anglais illustre, lord Bolingbroke, et avait fait un séjour au château de la Source du Loiret, où cet homme d’État s’était installé à la mort de la reine Anne. Bolingbroke lui avait donné quelques notions de la philosophie de Locke, quelque goût pour le libéralisme, le déisme et autres nouveautés. En France, il n’y avait presque encore jamais eu de milieu entre la religion et l’irréligion ; on était catholique ou athée (libertin, comme on disait alors). Voltaire rapporta d’Angleterre les idées philosophiques libérales et modérées qu’il devait