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« Will Shakespeare, poeta Anglicus… Ce poète anglois a l’imagination assez belle, il pense naturellement, il s’exprime avec finesse ; mais ces belles qualités sont obscurcies par les ordures qu’il mêle à ses comédies. »

Cette opinion n’est-elle pas bien de sa date, bien d’un contemporain de Racine ? Elle est meilleure, après tout, et plus juste que celle de Voltaire. L’exemplaire qui a motivé cette appréciation de Nicolas Clément appartient au Shakespeare in-folio de 1632. Il serait bien intéressant de savoir si Clément a donné une opinion personnelle, ou celle de quelqu’un de ses amis, ou, si au contraire, il ne fait que résumer le jugement d’un écrivain anglais.

A partir des premières années du xviiie siècle, les bons ouvrages anglais sont immédiatement traduits en français. Il en fut ainsi pour deux livres qui égalent encore aujourd’hui, en France, la popularité de n’importe quel livre français : Robinson Crusoé et les Voyages de Gulliver. Le premier paraît en 1719 : il est traduit en 1720 par Saint-Hyacinte ; le second est de 1720 : il est traduit en 1727 par l’abbé Desfontaines. Cela prouve des relations intellectuelles très suivies ; on n’est guère plus