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cadie et l’Astrée, indique bien que les deux pays suivaient dans l’évolution de leur pensée et de leur goût une marche parallèle ; ils n’étaient plus irréductibles que sur le genre de leurs divertissements : ceux qui allaient applaudir Corneille auraient été plus surpris qu’intéressés par Shakespeare. Le théâtre est toujours ce qu’il y a de plus national dans une littérature, parce que c’est ce qu’il y a de plus matériel, de plus physique ; et un peuple qui n’a point de théâtre national, c’est qu’il manque de personnalité, ou que son existence comme nation est très récente. On s’entendit donc, d’Angleterre en France, sur le roman et sur la philosophie avant de s’entendre sur le théâtre. Après Bacon, on traduisit Hobbes. Le Leviathan et le De Cive furent mis en français sitôt après leur apparition et firent apprécier chez nous, en même temps que Descartes, ce grand esprit, l’un des plus raisonnables qui fut jamais. Hobbes fit d’ailleurs un long séjour en France, où il devint l’ami de tous les libres esprits, de Gassendi, de Mersenne, qui le mit en relations avec Descartes.

Milton, pas plus que Shakespeare, ne fut connu en France à sa date, du moins comme grand poète, car ses pamphlets politiques étaient fort discutés.