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de sa forme littéraire, attira l’attention des écrivains français. Au moment même où l’Astrée faisait les délices de la société polie en France, en 1624, un sieur Baudouin traduisit l’Arcadie de Sidney. C’est le premier livre anglais moderne qui eut quelque influence sur la littérature française ; mais comme cette influence se confond avec celle de l’Astrée, les deux livres ayant de singuliers rapports, elle est difficile à déterminer.

On trouvera dans « l’Histoire de l’Académie française » de Pellisson quelques détails sur ce Baudouin, car il fut un des premiers académiciens. Il ne fit jamais autre chose que des traductions ; mais il faut le ranger parmi ces traducteurs avisés qui eurent plus d’influence sur la littérature de leur pays que bien des écrivains originaux. Baudouin n’est pas comparable à Amédée Pichot, ni surtout à Letourneur, que personne n’a jamais estimé à sa valeur, et qui fut un des gonds sur lesquels tourna la littérature française ; mais il eut le mérite de s’apercevoir le premier, en France, qu’il y avait une littérature en Angleterre. Après l’Arcadie, il traduisit les Œuvres morales et politiques de Messire François Bacon ; ce sont les Essais. Ce livre eut un succès évident, puisque le