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des femmes est cependant moins mauvaise que la première, mais seulement peut-être parce qu’elle est incomplète et que nous n’en avons pas la conclusion. Le chapitre sur la beauté est même agréable à lire et presque toujours d’un ton juste. Là, son ignorance philosophique lui a rendu service, en l’empêchant de s’égarer dans les divagations métaphysiques sur l’origine du beau et sa nature. Constatant que la beauté de la femme change pour les hommes avec les races, les climats, les siècles, il la réduit à n’être qu’une qualité naturelle, une promesse à laquelle l’homme se laisse prendre. Le propre de la beauté est de plaire. Aussi est-il surpris que les hommes admirent, en statuaire, par exemple, une sorte de beauté régulière et froide « qui ne plaît pas », c’est-à-dire qui n’excite pas le désir. Il croit que cette beauté idéale est purement conventionnelle, et c’est peut-être vrai. Les Grecs nous ont appris à mettre au-dessus de tout une certaine régularité de formes que, dans la vie réelle, nous ne recherchons pas particulièrement. Les femmes de ce genre, quand il s’en rencontre par hasard (cela n’est pas fréquent), nous font plutôt l’effet d’un jeu de nature — d’un jeu heureux — que d’une production normale. Mais quel homme d’aujour-