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la défaite par la facilité de l’excuse ; elle n’a surtout aucune des ressources de la parure dont les femmes de tous les climats savent si bien tirer parti ; sa peau, colorée par le soleil, est d’une teinte plus brune, mais plus animée ; ses chairs, continuellement battues par un air vif, sont plus fermes et plus vivantes. On ne peut mieux comparer ces deux femmes (la factice et la naturelle) qu’à des fruits dont les uns seraient venus en pleine campagne, et les autres dans les serres chaudes. Le caractère de sa figure est ordinairement la tranquille sérénité ; elle ne sait pas minauder, mais elle sait encore moins se contraindre. Sa taille est grande et forte. Sa parure est une chevelure flottante, ses parfums sont un bain d’eau claire ».

Ici, se dresse une grave question. La femme naturelle est admirablement faite pour remplir toutes les fonctions de la maternité. Mais est-elle capable d’amour, au sens délicat que nous donnons à ce mot ? Laclos est très embarrassé pour répondre. Il finit par convenir que la femme naturelle ignore nécessairement la passion ; elle ignore même le choix. Enfin, c’est un pur animal. On ne sait pas si elle parle. A quoi bon d’ailleurs et que dirait-elle ? Elle préfère sans doute se laisser vivre ; après quoi