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en parallèle la femme artificielle, telle qu’il l’avait sous les yeux, et la femme naturelle, telle qu’il la voyait dans ses rêves.

Tout d’abord, il pose ce principe : « La femme naturelle est, ainsi que l’homme, un être libre et puissant ; libre, en ce qu’il a l’entier exercice de ses facultés ; puissant, en ce que ses facultés égalent ses besoins. » Puis il réédite les paradoxes de Rousseau : Les hommes ont voulu tout perfectionner et ils ont tout corrompu ; ils ont abandonné la nature qui les rendait heureux, en l’accusant des maux que cet abandon leur causait. La nature ! tout s’y passe simplement et doucement ; c’est le paradis terrestre, en vérité : et il n’est pas, comme dans la religion, rejeté au lointain des âges, il est là, sous nos mains. Écartons toute la civilisation, allons vivre à demi-nus dans les bois, et nous serons heureux. Rousseau et Laclos ne disent pas cela tout à fait ; ils sont trop intelligents. Mais le peuple, à qui ces idées parvenaient, les prenait ainsi et bientôt il allait se mettre à la besogne. Sans les quelques cervelles demeurées à demi saines, sans Bonaparte, surtout, la France, livrée au délire de la nature, de la simplicité et de l’égalité, de la pauvreté et de la saleté, serait assez vite redevenue une forêt primitive.