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LA FEMME NATURELLE


Le dix-huitième siècle fut une des époques où l’on raisonna le plus mal. La science commençait d’être vulgarisée, ainsi que les notions philosophiques. Mais ces nouveautés tombaient dans des intelligences mal préparées à les recevoir. A l’exception de Voltaire, préservé par sa finesse de la crédulité, le philosophe du dix-huitième siècle est un être naïf, quoique de bonne volonté. Le plus naïf est Jean-Jacques Rousseau.

Rousseau avait reçu une éducation profondément chrétienne. Ayant réfléchi, il rejeta les dogmes, conserva la morale. C’était un logicien. Il voulut appuyer cette morale sur de solides fondements. L’homme lui paraissait mauvais, Dieu ne pouvait l’avoir créé mauvais, il fallait donc trouver une explication, une excuse à cette méchanceté. Il imagina que Dieu avait créé « l’homme naturel », et que, à l’instigation de certains pervers, les tyrans, cet homme