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vacuité. Cette double classification serait applicable à tous les romans modernes de quelque intérêt, selon leurs tendances, selon que l’observation scientifique y domine ou le souci du style.

Selon leurs tendances, car il s’agit de tendances et non de réalisations absolues : la littérature se meut dans le relatif. Les romans les plus secs, comme ceux de Stendhal, ne sont pas sans aucune valeur artistique et il y a, même dans les Misérables, des pages d’une observation très exacte. C’est sur les généralités et non sur les détails que les classifications reposent, aussi bien en histoire littéraire qu’en histoire naturelle. Je crois qu’avec ces réserves la distinction entre les poètes romanciers et les prosateurs romanciers est inattaquable.

On éprouvera cependant quelque embarras en voulant ranger Barbey d’Aurevilly dans l’une ou dans l’autre de ces catégories.

Il fut poète, sans doute, et le demeura jusqu’à la fin de sa vie ; mais poète caché, qui n’avouait ses vers, pourtant très beaux, qu’à quelques-uns seulement de ses amis. Parmi son œuvre, qui est considérable, puisqu’elle remplit près de cinquante volumes, sans compter ce qui est demeuré épars dans les journaux, les poèmes en vers ou en prose ne