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si l’on pense aussi aux poètes qui furent en même temps des poètes et des romanciers. Quelques-uns des romans modernes les plus célèbres, et en même temps les plus beaux, ont pour auteurs des poètes. C’est le Stello et le Cinq-Mars, d’Alfred de Vigny ; c’est Mademoiselle de Maupin et le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier ; ce sont les Misérables et les Travailleurs de la Mer, de Victor Hugo ; c’est Graziella, de Lamartine, et bien d’autres que tout le monde a lus. Cette tradition nouvelle du poète-romancier se continue jusque sous nos yeux avec les œuvres de Catulle Mendès ou de Henri de Régnier, poètes qui sont devenus romanciers sans cesser d’être poètes.

Il y a deux choses principales dans le roman, l’observation de la vie et le style. Le poète n’est pas toujours un très bon observateur, mais il prend sa revanche dans le style. D’autre part, le romancier qui n’est que romancier est très rarement un bon écrivain : témoin Balzac. Il est vrai qu’une telle affirmation est contredite par Flaubert, observateur merveilleux, écrivain merveilleux, et même par les Goncourt qui surent regarder la vie extérieure et rendre leur vision en un style curieux et neuf. Mais si l’on tenait compte des exceptions, on ne pourrait