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vaille beaucoup, poursuit deux séries divergentes, ses romans normands auxquels il destine ce titre général, l’Ouest, et les Œuvres et les Hommes, où il entend juger la pensée, les actes et la littérature de son temps. Ce n’est que bien plus tard qu’on lira sur des volumes ces mots trop orgueilleux, mais la première pierre de ce monument fragile est posée dès le mois de mai 1851 ; cela s’appelle les Prophètes du passé. La Vieille Maîtresse avait paru le mois précédent. Trébutien, homme simple, image du public candide, est surpris. D’Aurevilly réplique : « Le catholicisme est la science du bien et du mal… Soyons mâles, larges, opulents comme la vérité éternelle. » Il se flatte que le roman n’est pas une œuvre moins catholique que le livre des Prophètes ; il voudrait faire comprendre que la peinture de la passion n’est pas l’apologie de la passion. Ce sera la théorie de Baudelaire et sa défense inutile devant une magistrature stupide. Hypocrite chez Baudelaire, cette opinion avait chez Barbey une certaine sincérité, qui garda intact son individualisme jusque dans le mysticisme religieux. Il y a décidément une différence entre sa religion et celle de Chateaubriand : Barbey d’Aurevilly ne croit que ce qu’il veut croire.