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prudent des faits dont la suite compose une vie.

Le Barbey d’Aurevilly d’après 1846 est très différent de celui des premières années. C’est à ce moment qu’une nouvelle contradiction s’ajoute à toutes celles qui se battent dans cet organisme violent. Il devient catholique. À l’influence obscure d’Eugénie de Guérin est venue se surajouter celle, plus certaine, de Raymond Brucker, ce prototype, sans génie, de Louis Veuillot. On a retrouvé la foi (Brucker aussi était un converti), ou veut le prouver, On fonde une Société catholique pour la régénération de l’art religieux et une Revue du monde catholique pour la régénération de la pensée religieuse. La révolution de 1848, qui évoluait cependant sous les auspices du clergé, fit chavirer ces deux barques. Barbey suit le mouvement. Les vingt milles affiliés au Club des ouvriers de la Fraternité le choisissent pour président ; il prononce des discours, invective le peuple, se sauve loin de cette mascarade, va retrouver sa « vieille maîtresse ». Car, comme le note justement M. Grelé, « s’il pense en catholique, il a toujours l’imagination païenne ». Ce livre, commencé il y a trois ou quatre ans, il va l’achever selon le ton initial, mais en lui ajustant un autre cadre : c’est en Normandie que cette his-