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rieur et sur lequel on n’a que des renseignements assez vagues se fit en Barbey d’Aurevilly de 1838 à 1846. Pendant qu’il se donne avec fièvre au journalisme, au moment même de ses plus violentes querelles avec la Quotidienne, il fait une rencontre qui semble avoir influé sur ses idées. Eugénie de Guérin est venue voir son frère ; Barbey la regarde et l’écoute avec une curiosité profonde et troublée dont on trouve la trace dans son second Mémorandum ; mais, dit M. Grelé, il fut en réalité plus ému qu’il ne l’avoue. « Il n’oublia jamais la sœur de son cher Guérin. Il eut pour elle une sorte d’admiration muette, toute intellectuelle d’abord, puis très probablement sentimentale et passionnée. De son côté Eugénie — l’adorablement laide Eugénie, dont la laideur fascinait — ne resta point indifférente…[1]. » C’est là le commencement de la crise ; elle s’accentua à la mort de Maurice, qui fut pour lui un coup très douloureux. Mais elle n’éclata pas encore. Barbey d’Aurevilly a la force de chercher une diversion et il la trouve dans le travail : il achève l’Amour impossible et commence Une vieille

  1. Page 146. Un peu plus loin, M. Grelé corrige justement Sainte-Beuve, qui semble n’avoir rien compris à l’impression que firent l’une sur l’autre ces deux âmes originales.