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Vérité, c’est toujours sans preuves. La Vérité telle que la comprend M. Brunetière, c’est la Foi. La Foi ne se démontre pas ; la raison y est impuissante. C’est même parce que ses maîtres voulaient démontrer la Foi par la Raison que Renan se sépara d’eux, acte de logique, et non révolte.

Finalement, ce qui blesse M. Brunetière, c’est que Renan avait ou se vantait d’avoir l’esprit scientifique, qu’il n’admettait ni le surnaturel, ni les miracles, qu’il considérait la Bible comme une œuvre historique. Ses arguments sont ceux d’un théologien. Ils ont leur intérêt, quand on est théologien, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Je ne crois pas qu’au strict point de vue philosophique il soit possible d’en tenir compte. Les domaines sont séparés, quoique M. Brunetière prétende que la philosophie a pour principal fondement la croyance au surnaturel, et que l’on ne peut négliger cet élément que par un véritable « tour de passe-passe ». On voit à quelle distance nous sommes du monde moderne et de l’esprit scientifique. M. Brunetière est un contemporain de Bossuet qui serait le disciple de saint Thomas d’Aquin. Il apporte, il est vrai, dans son argumentation, une méthode très sérieuse, si non très solide, et il cite ses maîtres. Il croit aux