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uns des plus hardis imprimeurs des xve et xvie siècles, s’est fait du commerce des livres un véritable monopole ; parmi les écrivains la proportion des Normands est toujours énorme.

Ces caractères généraux se retrouvent assez précis en Barbey d’Aurevilly. Comme le Normand moyen, il est dénué de religiosité profonde, mais attaché à certaines formes et traditions religieuses ; il est individualiste jusqu’au scandale, ne supporte de l’autorité que l’idée qu’il s’en fait ; d’abord plein de tendresse pour sa terre natale, il la quitte sans regret, pour revenir plus tard l’aimer encore ; né dans un milieu où la culture est toute de tradition, il sent le besoin de notions plus nouvelles et part à leur conquête, avecl’imprévoyance d’un chevalier d’aventure. Comme il est armé très sommairement et que son caractère est des moins souples, la lutte sera longue. Il lui faudra cinquante ans pour toucher d’une main tremblante une gloire incertaine.

Barbey d’Aurevilly naquit en 1808 à Saint-Sauveur-le-Vicomte, non loin de Valognes, d’une de ces familles bourgeoises où l’ancien régime recrutait infatigablement son aristocratie. Le roi conférait la noblesse comme aujourd’hui la croix, mais