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intime, elle manifeste une foi publique, presque uniquement sociale. Elle tient peu au prône, mais beaucoup à la messe, qui est une fête ; elle aime ses églises et se désintéresse des curés. Ayant construit quelques-unes des plus belles abbayes et cathédrales de France, elle oublia de les pourvoir de moines et de chanoines, de rentes et de terres. Bien avant la Révolution, les abbayes étaient désertes. À la mise en vente des biens du clergé, encore plus que les paysans désintéressée dans la religion, la noblesse acheta, sans hésitation, sans trouble : les chefs de la race donnaient l’exemple du scepticisme.

Très peu religieux, le Normand (on entend la Basse-Normandie, la région qui forma Barbey d’Aurevilly) ne supporte l’autorité que lointaine, invisible ; il est profondément individualiste, d’un patriotisme fort modéré. Aimant la terre, il s’en détache pourtant facilement, car un autre goût le porte aux aventures. Il allait volontiers guerroyer au loin ; à cette heure il y va faire du commerce. D’une assez grande curiosité d’esprit, il goûte l’instruction et toutes les activités intellectuelles ou qui gravitent autour de l’exercice de l’intelligence. La région d’entre Valognes et Granville, qui fournit quelques--