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que Voltaire estimait son esprit, et je n’ai jamais vu son livre de contes, qui s’appelle La Princesse couleur de rose et le Prince Céladon (1743).

Mais nous voici arrivés à un nom qu’il faut mettre hardiment à côté de celui de Perrault, et peut-être un peu au-dessus. Il s’agit de Marie Le Prince, femme de Thomas de Beaumont, née à Rouen le 26 avril 1711, morte à Avallon, le 6 décembre 1776. Presque toute sa vie se passa en Angleterre ; c’est là qu’elle écrivit et publia un ouvrage aux prétentions les plus modestes et qui n’en est pas moins devenu immortel, le Magasin des Enfants (Londres, 1757, 4 vol. in-12). Je le connais depuis l’âge où j’ai été capable d’écouter une histoire : ma bonne, qui en était fanatique, me le lisait tout haut, mais les abréviations la gênaient : elle disait Melle (Mlle), au lieu de Mademoiselle, ce qui ne laissait pas d’embrouiller un peu les dialogues. Il est vrai que seuls me captivaient les contes qui terminent chaque entretien : l’un me parut merveilleux et m’a toujours hanté depuis, la Belle et la Bête. C’est un chef-d’œuvre, assurément, et, en affirmant cela, je ne laisse pas les souvenirs d’enfance influencer mon jugement littéraire. La Belle et la Bête va de pair avec Psyché et avec la première partie de Parthe-