Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi bien qu’à ceux qui lisent uniquement pour s’amuser.

On vient donc d’écrire un véritable conte de fées. Cela n’a rien de paradoxal : le conte de fées, depuis plus de deux siècles, fait partie de la littérature française. Il a produit autant de chefs-d’œuvre que le théâtre et le roman : un conte de fées ne me paraît pas plus extraordinaire, et peut-être moins, en 1904, qu’une tragédie. La tradition n’en a presque jamais été interrompue. Charles Nodier, vers 1820, a écrit des contes de fées, dont quelques-uns ne sont pas encore oubliés. Si, depuis cette époque, le goût s’est un peu détourné de cette littérature simple et souriante, la mode peut la favoriser à nouveau. Cela serait charmant. Et quelle revanche contre les turpitudes naturalistes ! Ou la science, ou la poésie : il n’y a pas de milieu.

Charles Perrault passe généralement pour avoir eu le premier l’idée de recueillir les contes, de les mettre en bon français, de les adapter au goût d’un public difficile et nullement naïf. C’est donc lui qui aurait créé, comme genre littéraire, le conte de fées.