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ter d’aussi charmantes histoires que la Belle au bois dormant, le Nain jaune ou Gracieuse et Persinette, ou encore La Belle et la Bête, cette merveille. On le croyait jadis, et on accordait à ces récits une origine surnaturelle. De nos jours les érudits, qui ont étudié cette question difficile de la naissance et de la propagation des contes populaires, sont généralement revenus à l’opinion ancienne. Ils n’admettent pas qu’un conte qui se transmet de bouche en bouche, de la mère à l’enfant, puisse avoir un auteur connu. Ces contes, disent-ils, sont nés on ne sait où, on ne sait quand, peut-être dans l’Inde, peut-être en Égypte ou en Grèce, jadis, avant les civilisations ; et depuis que les hommes font de la littérature, de la poésie lyrique, des romans et des discours, ils ont perdu la faculté d’imaginer ces jolies choses qui s’appellent des contes de fées, quoique souvent il n’y soit pas du tout question des fées.

J’ai pensé ainsi longtemps, et je crois encore que cette pensée contient une grande part de vérité. Cependant, il faut bien reconnaître que l’on n’a pas pu retrouver dans la tradition orale tous les contes de Perrault. Quelques-uns seulement, comme le Petit chaperon rouge, sont manifestement antérieurs à Perrault. Pour quelques autres, il est