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l’écrit avec pureté et le manie avec verve. A lire ses chansons et ses poèmes, on se croit transporté au milieu des paysans ; l’effet que cela me produit doit être analogue à celui qu’exerce sur les Méridionaux la poésie de Mistral. Louis Beuve n’a pas le sentimentalisme de Mistral ; ses poèmes sont surtout des tableaux de mœurs.

Des deux morceaux que cite l’Anthologie, on ne sait lequel préférer. Le premier a pour titre Adieux d’eune graind’mère à san fisset loué p’tit valet l’jou de la Saint-Quiai, ce qui se comprend, je pense, sans traduction. L’autre s’appelle la Graind-Lainde de Lessay ; c’est un chef-d’œuvre en patois ; transposé en français, ce qui lui enlève beaucoup de son caractère, c’est encore un beau morceau de poésie. Voici le début de la Grand’Lande :

« L’bon Dieu t’a bien mise à ta place, — Lande, posée là comme un mur — Pour préserver le pays qui prêche[1] — Du voisinage de ceux du sud ! — Reine des fées au dur visage, — Reine des goblins qu’on redoutait, — C’est toi qui gardes les vieux usages — Des hommes du Nord aux blouses de

  1. Qui parle le patois.