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influences ; mais que d’imagées neuves, que de vers définitifs, pleins, vivants, de bonne race et de claire pensée ! Quelle sûreté de main dans la frappe de la médaille !

M. Charles Guérin est évidemment un des espoirs de la poésie française :

Comme un laboureur las qui s’arrache à la glèbe,
L’humble poète alors sort de la chair et lève
Vers la vivante nuit, radieuse et profonde.
Un front qui porte aussi sa lumière et ses mondes…

On sent beaucoup d’orgueil dans ces vers noblement traditionnels, mais ils ne sont pas absurdes. M. Charles Guérin est l’un de ceux qui gardent le culte de la langue et du rythme contre les audaces inutiles des novateurs trop impatients, souvent étrangers à notre race et à nos siècles ; son originalité n’en a pas été diminuée : une certaine fierté lui est permise. Nous commençons à comprendre, après des tentatives riécessaires, après des essais curieux à creuser les sillons en dessins arabesques, qu’il vaut mieux suivre le vieil usage et se fier aux bœufs qui s’en vont tout droit et reviennent tout droit.

Le génie est économe de sa force. Celui qui a de beaux marbres à tailler, qu’il les taille avec les