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Voilà l’attitude et le lieu de la scène. Soirs de douceur, soirs de colère, soirs d’amertume, soirs de nostalgie mystique, tous les soirs où peut vivre sans honte une âme délicate et fière, M. Charles Guérin, les aime, les rêve, les vit, les caresse comme des mains passionnées caressent les grains du rosaire dont sortira la paix et peut-être la joie. Vous qui goûtez le charme trouble des soirs ou qui frissonnez quand la nuit s’approche sans bruit, quand on ne sent qu’à la plus grande fraîcheur de l’air la venue obscure de ses ailes terribles, vous que les soirs émeuvent, allez à ce poète : il est le poète des soirs. Il vous en récitera la litanie, et cela vous sera doux de l’entendre, si vous êtes de cette race d’hommes qui puissent dire encore :

A cette heure indécise où rampent les ténèbres,
La prière en secret vous écarte les lèvres
Comme la source entr’ouvre un sable amer…

Mais voici une transition :

Le soir léger avec sa brume claire et bleue
Meurt comme un mot d’amour aux lèvres de l’été…

Il y a beaucoup de mots d’amour dans le Cœur solitaire ; il y en a moins cependant qu’en la plupart des recueils de vers, car si le fond du cœur