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mune parleüre des gens ; mais li sentiers de rime est plus estroiz et plus fors, si comme cil qui est clos et fermez de murs et de paliz, ce est a dire de poinz et de numbre et de mesure certaine, de quoi on ne puet ne doit tréspasser[1] : car qui bien voudra rimer, il li convient conter totes les sillabes de ses diz[2] en tel manière que li vers soient acordables en nombre et que li uns n’ait plus que li autres. Après ce convient il amesurer les deus derraines[3] sillabes dou vers en tel manière que totes les lètres de la derraine sillabe soient semblables, et au moins la vocal[4] sillabe qui va devant la derraine. Après ce li convient il contrepeser l’accent et la voiz[5], si que ses rimes s’acordent a ses accens ; car jasoit ce que[6] tu acordes les lètres et lessillabes, certes la rime n’iért ja[7] droite se li accens se descorde[8]. »

La fin de ce petit chapitre me paraît tout à fait remarquable et digne d’être méditée par les poètes

  1. Transgresser.
  2. Paroles.
  3. Dernières.
  4. La vocal sillabe est la partie de la syllabe qui est formée de voyelles.
  5. Le son de la voyelle.
  6. Malgré que.
  7. Ne sera jamais.
  8. Est en désaccord.