Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’allumettes ; mais que ces procédés de langage sont donc enfantins ! Dites donc, tout bonnement, abandonnant ces rhétoriques surannées, si vous avez besoin de dire cela : « Un aveugle, sous un bec de gaz, vendait des boîtes d’allumettes d’un sou », et cela serait beaucoup plus évocatoire que toutes ces métaphores qui sont borgnes d’un œil et de l’autre lancent des feux de diamants faux.

Je n’insisterai pas sur toutes sortes d’expressions défectueuses telles que : par à travers, par au-dessus ; ni sur des provincialismes comme une draine, pueil(?). Cela n’est pas agréable, mais cela peut se corriger.

Telles sont, très sommairement exposées, les faiblesses de la poésie de M. Verhaeren. Il faudrait beaucoup plus de pages pour essayer d’en cataloguer les beautés. Ce poète incertain a des parties du grand poète. Même dans ce volume, qui n’est pas de ses meilleurs, il y a des poèmes superbes. M. Verhaeren, qui est un forgeron verbal souvent inhabile, n’en est pas moins un forgeron puissant, le plus puissant peut-être que nous ayons eu depuis Victor Hugo. Quel dommage qu’il n’ait pas vécu à Paris depuis sa vingtième année ! Tous les futurs poètes, tous les futurs écrivains de langue fran-