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ÉMILE VERHAEREN


La poésie de M. Verhaeren manque d’intimité. Elle est toute objective. On dirait qu’il a mis en vers, en beaux vers âpres et un peu fous, des traités de sociologie qu’il n’a pas osé écrire. Les Campagnes hallucinées : étude sur la condition présente, morale et matérielle, des paysans flamands ; les Villes tentaculaires : étude, parallèle à la première, de la vie dans une grande ville moderne. Les deux œuvres se relient par cette idée, qui ne sera réprouvée par aucun économiste : les campagnes se dépeuplent au profit des villes. Dans le langage grandiose et poétiquement imprécis de M. Verhaeren, cela se dit : les campagnes hallucinées sont happées et dévorées par les villes tentaculaires.

Le thème est ancien. Virgile le connaissait et en a même esquissé le développement. Mais Virgile aimait les paysages et les mœurs champêtres de sa patrie. M. Verhaeren les déteste. Il hait les paysans