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entièrement absente des œuvres qu’il créa. Quant à l’objectivité vulgaire du romancier sans idées et sans nerfs, elle n’est pas rare ; elle l’est trop peu. Henri de Régnier qui, hier encore, était un poète qui a écrit un roman et quelques contes, pourrait bien devenir, d’ici quelques années, un romancier qui a commencé par publier plusieurs volumes de vers. Je le regretterais, car s’il n’est pas le plus « poète » de nos poètes, il est le plus parfait, celui qui représente le mieux, à cette heure, la tradition du vers français considéré comme la mesure de notre goût esthétique, de notre sensibilité verbale.

On lui a reproché une certaine froideur, qui n’est, je crois, qu’une certaine discrétion. Les confidences et les familiarités répugnent à son goût. Les sujets les moins personnels sont ceux qui lui agréent. Et si, comme Tel qu’en songe, un de ses poèmes nous initie à une crise de sa vie sentimentale, c’est enveloppé de voiles et de réticences qu’il s’offre à notre curiosité. Ses joies lui furent des thèmes, comme ses ennuis, mais rien que des thèmes et moins encore, des points de départ. Il n’a pas la naïveté de ces poètes qui croient découvrir la volupté ou la douleur.

Il a peut-être trop peu de naïveté. Mais son