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la même souveraine clarté ». Si exacte et si conforme à l’opinion que soit cette appréciation, elle aurait déplu à Renan. À peine l’aurait-il tolérée comme une introduction, nécessitée par le mauvais goût du public, car il méprisait profondément la littérature et il s’est toujours défendu de toute prétention à l’art d’écrire. « Mes adversaires, dit-il dédaigneusement dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, pour me refuser d’autres qualités qui contrarient leur apologétique, m’accordent si libéralement du talent que je puis bien accepter un éloge qui, dans leur bouche, est une critique. Du moins n’ai-je jamais cherché à tirer parti de cette qualité inférieure, qui m’a plus nui comme savant qu’elle ne m’a servi par elle-même. Je n’y ai fait aucun fond. Jamais je n’ai compté sur mon prétendu talent pour vivre : je ne l’ai nullement fait valoir… J’ai toujours été le moins littéraire des hommes. » Et, un peu plus haut, dans la même partie de ce livre encore si agréable à lire : « La vanité de l’homme de lettres n’est pas mon fait. Je ne partage pas l’erreur des jugements littéraires de notre temps… Je n’eus quelque temps d’estime pour la littérature que pour complaire à M. Sainte-Beuve, qui avait sur moi beaucoup d’influence.