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des mûres le long des haies, en revenant de l’école. M. Catulle Mendès, dans son récent Rapport sur la poésie française, dit de jolies choses de Verlaine ; elles ne sont pas très exactes : « Verlaine… cette fraîcheur d’innocence, cette infantile ingénuité, charme frêle et impérissable de son œuvre… La société, qui a laissé vivre dans la famine et mourir dans la tristesse le si doux Paul Verlaine, faillible, hélas ! n’a point le droit de le rendre responsable des fautes, c’est-à-dire des basses promiscuités, des misères dont elle ne le tira point. » On sourira de la « fraîcheur d’innocence » de Verlaine. Enfant, oui ; mais aussi enfant vicieux, et parfois méchant. Sa candeur est une légende, et sa misère en est une autre. Assurément, il ne vécut jamais dans l’opulence ; mais cela fut très heureux pour lui et pour nous. La richesse eût abrégé sa vie, car il n’avait aucune raison. C’est la nature, et non la société, qu’il faut rendre responsable de ses misères ; il avait un tempérament terrible ; il était pareil à un cavalier sans bride ni éperons, monté sur un cheval fougueux. M. Moréas l’a connu dans ses meilleures années, quand il venait de rentrer en France, après un assez long séjour en Angleterre. « Il marchait