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transcendante qui furent les qualités, ou quelques-unes des qualités du style de Platon, c’est Renan, et je n’en sache pas un autre dont on le pourrait dire. Nul, comme Renan, n’a excellé à vêtir de métaphores poétiques, originales, inattendues et toujours d’une incomparable justesse, les idées les plus abstraites, les conclusions les plus techniques de la philosophie linguistique. Nul, comme lui, n’a connu ce pouvoir mystérieux des mots, dont on tire, en les associant, d’une manière unique, et qui ne semble jamais calculée ni voulue, préparée ni savante, non seulement des significations, mais des harmonies nouvelles. Nul, comme lui, n’a réussi, dans le contour simple et pur de sa phrase, à faire entrer tout un monde d’impressions et d’idées, surprises pour ainsi dire et charmées en même temps de se trouver rapprochées. Si l’on regarde aux éléments, il n’y a pas de style plus savant que celui de Renan, et j’entends par là que ses meilleures pages, l’helléniste, l’hébraïsant, le philologue, l’historien, le poète, l’artiste qu’il était a seul pu les écrire. Mais il n’y a pas cependant de style plus naturel… » Et, conclut M. Brunetière, quel que soit le sujet de ses écrits, « ce sont toujours la même aisance, la même grâce et