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rien des extravagances que d’injustes critiques ont reprochées à M. Moréas.

Plus tard, il fut moins sage ; mais jamais il ne perdit tout à fait le sentiment de la mesure et du goût, jamais il ne s’écarta très loin de la véritable tradition française, dont il est redevenu, avec les Stances, le représentant le plus convaincu. Est-il le premier des poètes de sa génération ? Nul ne peut-il lui contester la première place ? Je crois qu’ils sont plusieurs égaux. Les uns préfèrent Ronsard ; les autres, Du Bellay.

Cependant, suivons-le dans un autre monde, celui des poètes contemporains. Plus d’un a exercé de l’influence sur M. Moréas : d’abord Verlaine, puis Mallarmé. Mais il n’y a là rien de rare ; ce fut le sort commun. Il était impossible, de 1885 à 1896, d’écrire en vers ou en prose sans songer à Mallarmé ou à Verlaine. Mallarmé avait une grande importance. On allait chez lui, à peu près comme chez la Sibylle ; on écoutait sa parole comme un oracle. Vraiment, c’était bien une sorte de dieu. On le vénérait plus encore qu’on ne l’aimait. Il était bienveillant, mais sans aucune familiarité. Un éloge tombé de sa bouche troublait, comme un décret de la Providence. Je vois encore M. de Régnier rougir