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et l’on ne songeait à rien qu’à dire sa pensée, même quand elle était un peu folle.

Mais, décadence : quelle erreur ! Jamais il n’y eut tant d’extravagance, peut-être parce qu’il n’y eut jamais tant de sève. Les talents naissaient tous les jours. C’était, comme aux premiers âges du monde, une création perpétuelle. Et quel désintéressement chez ces jeunes gens ! Mais, je dois le dire, ce désintéressement excessif, qui les portait à défier le public, à railler les journaux, à se cacher dans de toutes petites revues, fut aussi une des causes de leur succès tardif. Ils prétendaient se passer du lecteur vulgaire, qui se passa d’eux très facilement.

L’un de ces jeunes poètes d’alors, aujourd’hui assagis, ou, hélas ! disparus, M. Adolphe Retté, vient précisément de raconter quelques-unes des aventures littéraires où il fut mêlé vers les premiers temps du symbolisme. Le volume[1], quoique un peu décousu, est intéressant. On y voit passer, en une revue pittoresque, les grandes et les petites figures du symbolisme. Ce n’est pas, il s’en faut de beaucoup, un tableau complet, mais bien, comme

  1. Le Symbolisme. Anecdotes et Souvenirs. Paris, A. Messein, éditeur.